Man Marie

par Megane

Man Marie

– C’est elle ?

– Il me semble bien !

– Tu es sûr que nous sommes au bon endroit ?

– Oui maman, je te dis que c’est bien cette case là ! 

– Pimp ! Pimp ! Envoie la clé !

– Quatre tee-shirt achetés, quatre fois plus de bonheur ! Rentrez à “Pacherditou” et ressortez heureux !

– Mi jounal à zòt ! 2 francs !

– Zabokaaa !

La rue Frébault. J’y ai vu le jour moi Man Marie. Vous dire que je la connais comme les clous sur mon chapeau de tôles, n’est pas exagéré. Dans ma rue, le réveil peut-être brutal car le coq ne chante pas. A la place, j’ai mes habitués. Je les connais tous. Et en particulier ce voisin, qui voulait à tout prix partager sa musique avec ma propriétaire ; mais surtout signaler que son magasin était ouvert. 

Si seulement je pouvais lui dire qu’à 7h00 du matin, il est un peu tôt pour danser !

Dans ma rue, aujourd’hui, c’est un jour spécial. Nous sommes samedi. Je le sais à cause de cette voiture avec le mégaphone sur le toit. Elle passait tous les samedis, et spécialement les premiers samedis de chaque mois. Pour annoncer, volume à fond, que les rues seraient interdites aux voitures. Et quand il s’agissait des élections, “pa mènm palé “. Elle passait et repassait comme un vieux disque rayé, répétant de belles promesses. Par exemple, celle selon laquelle toutes les cases créoles seraient traitées avec respect. Man Sésé vous dirait sûrement le contraire. Quand les rues sont piétonnes, dans la mienne, c’est la fête. Pour faire court, imaginez un jour en semaine, à la sortie de l’école : en plus des enfants, il y a une ribambelle d’adultes excités comme des « fou-fou gon-gon » dans un champ d’hibiscus.

Je vois, malgré moi, toutes sortes de choses, ainsi que toutes 

sortes de personnes. Certaines de mes voisines m’envient presque. Elles trouvent que je suis idéalement placée. C’est vrai, je le suis. Dans ma rue je suis aux premières loges pour apprécier le grand défilé des cuisinières ou des groupes carnavalesques. Il m’arrivait parfois de sentir ma grande robe de bois vibrer au son du tambour et du fouet. Il y avait aussi la visite des parents, des amis des parents, et des amis des amis des parents. C’était toujours une grande liesse. Ils étaient heureux. Heureux d’être sous mon grand chapeau de tôles. Je devrais l’être aussi.

Cependant j’aurais aimé avoir le choix. Le choix de ne pas voir cet homme, valise à la main, au coin de la rue, parlant de sa femme espérant qu’elle revienne auprès de lui. Dans ma rue, j’aurais aimé ne pas voir la pauvre dame se faire arracher son sac et crier ; “Au voleur !”  

Mon chapeau de tôles a souvent vibré lorsque dans ma rue, je voyais toute une population manifester, réclamant  justice. L’émotion était si forte que mes planches de bois craquaient de tristesse lorsque, dans ma rue je voyais l’une de mes consœurs finir en cendre, détruite par manque d’amour. 

La nuit tombée… Dans ma rue, le bruit infernal de la journée laissait place à un silence presque effrayant. Il y avait çà et là les cris de meutes de chiens errants se battant pour un sachet poubelle, qui finissait inévitablement éventré.

Il est tard dans ma rue. Je ressens de plus en plus le temps qui passe car je me fais vieille. J’aimerais plus de silence, et en même temps, j’espère ne pas finir seule, comme d’autres cases créoles. En attendant, j’écoute portes et fenêtres ouvertes et avec fierté deux jeunes amis. Tous les soirs, sous ma grande robe de bois, ils refont le monde. Ils en rêvent d’un autre.

Dans ma rue Frébault, vous demanderez pour moi. Je suis Man Marie de kazkamo.

Texte : Olivier Gripacus / Illustration : LifeisDzign

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