LA PÊCHE À LA MARTINIQUE

par Maisons Créoles

Texte et Photos : Corinne Daunar

La pêche, à la Martinique, revêt une importance symbolique unique : témoin de l’attachement d’un collectif à ses mers, rencontre des peuples, des pratiques, œuvre de subsistance et organisation sociale ou urbaine. La fresque est éminemment dense, et adresse autant la curiosité historique que les enjeux de la société martiniquaise moderne.

La pêche de subsistance

La pêche, sur l’île, recouvre une intense diversité de pratiques, héritage, semble-t-il, des usages amérindiens, africains et européens. Ce qui surprend cependant, dans la variété de ces arts, c’est une leur constance : aujourd’hui encore, comme il y a un siècle, et plus loin parfois, l’on chasse à la main, en plongeant de quelques mètres depuis le bord. L’on dépose des nasses qui se gorgent de poissons coralliens. L’on récolte au filet au long des côtes, à la senne aussi depuis la plage. Et puis, pour les plus aventureux, l’on navigue large, au-delà même du trait de terre et l’on s’en va là, vers la mystérieuse Miquelon. Les lignes, palangres ou traînes, complètent l’arsenal des courageux de mer.

Ce qui interpelle, donc, c’est à quel point la pêche actuelle a pu rester artisanale, sans s’imposer le détour de l’industrialisation et du rendement. Jusque dans les années 1950s, se pose la question pour les bateaux de s’équiper à grands frais en matériel et moteurs. Aujourd’hui, c’est pourtant bien un gros millier de yoles et de gommiers qui arment la pêche martiniquaise, dans cette rencontre de techniques plus modernes (une flottille en fibre) et d’usages hérités.

La marque de la pratique sur le bâti

Étonnant aussi, comme cette activité de mer a pu modeler la terre, au point que l’on distingue, dans les types d’urbanité de l’île, « l’agglomération de pêcheurs », comme unité reconnaissable! Ce sont souvent de petites cases de plain-pied, recouvertes de tuiles ou de paille, qui succèdent le long de la grève. Savamment choisie, cette plage permet le séchage des filets et facilite la remontée des yoles, pirogues ou gommiers de pêche. En cette première partie de XXe siècles, les bateaux s’augmentent encore de voiles pour s’engager dans le bleu.

D’abord et avant tout porté vers l’océan, le bourg ne s’embarrasse guère des tracas de la terre : en témoignent les installations à Bellefontaine, au Macouba ou à Grand-Rivière, où les maisonnettes s’érigent sur la pierre et l’espace se contraint sous la falaise. Mais il faut aussi lire dans l’agglomération des pêcheurs un puissant marqueur social et historique : sur le trait de côte, dans des mangroves à conquérir, des groupes entiers sédentarisent ces espaces délaissés pour y construire une vie et ses générations futures, dans des modes d’habiter communautaires.

Les derniers pêcheurs de la Martinique

Aujourd’hui, l’activité fait figure de pratique ancienne, ancestrale. Véritable défi social, la pêche, où le job et l’informel ont longtemps été prégnants, tend à voir ses techniques se réglementer plus encore : les conditions d’embarquement, de matériels se durcissent, sont parfois contestées, à la limite de ce qu’un métier resté artisanal peut absorber. La mer s’organise, se pense, se découpe désormais : les pouvoirs publics légifèrent, créent des zones de pêche et des cantonnements à la gestion plus durable, pour pallier à la déplétion des stocks.

Les traces actuelles sont plus ténues peut-être : partagées entre les petits ports de pêche et les sites de vente. Les installations territoriales, on en compte une dizaine, maillent les bourgs et accueillent les patrons d’aujourd’hui. Au Vauclin, au François, aux Anses d’Arlet… l’on reconnait là une halle de ramendage, pour la réparation des longs filets de pêche. Ici, la silhouette piquetée de hautes tourelles de fer, providentiels distributeurs de glace. S’y découpe aussi une pompe de ravitaillement en carburant, quelques pontons, en bois ou en dur. C’est le port de pêche artisanal traditionnel qui se profile, pourtant bien ancré dans la Martinique moderne. Loin, mais pas tant, des premières agglomérations de cases de pêche en paillote…

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