Les routes tracées à travers mornes évoquaient la révolution du transport à la Martinique, les lieux de commerce portent celle de la consommation moderne. De la superette, du débit de la régie, du lolo au supermarché de ville et hypermarché de plaine, petite histoire de fortunes faites et défaites, et d’une nouvelle modernisation à marche forcée, ou joyeuse, de l’île.
De l’autosubsistance au commerce de proximité
Evidemment, les premières traces des commerces se retrouvent dans les bourgs des colonies. Culture vivrière, puis le marché et les petits commerces qui marqueront le commerce sur l’île jusqu’à l’orée des années 1950. Les premiers établissements se structurent autour des petits bourgs et des centres de vie, où s’attachent les activités économiques, politiques ou publiques du pays. Les commerces qui commencent à s’établir, les marchands, les colporteurs, les négociants, les ouvriers s’y croisent. Les produits d’importations s’installent dans les entrepôts, devant les boutiques, à Saint-Pierre ou la Fort-de-France du XIXe siècle, dont le brouhaha du port est annonciateur des arrivées de denrées d’autres terres. Bientôt, ce sont tous les quartiers, qui voient se déployer de petits magasins d’appoint, que les distances longues et les voyages chaotiques jusqu’à la ville rendent essentiels. Les plus fidèles représentants de cette guilde des tenanciers de proximité, au comptoir des superettes, lolos, débits, délivrent, à crédit, quantités de denrées au détail des porte-monnaie : demi-livre de pain, kilo de farine, café, litre d’essence d’éclairage. Fort en odeurs, en paroles, en ambiance, ces boutiques croulent sous les gros sacs de jute remplis de sucre, les bidons d’huile, le chocolat brut, allumettes, morue salée, morceaux de savon… Et l’incontournable carnet de crédit, qui grave leur rôle éminemment social et solidaire ! C’est déjà là la structuration d’une consommation au super-détail, fait d’achats au jour le jour, au fil des rentrées ou sorties, plus communes, d’argent.
Adossés au bar du quartier, à son rhum et à ses dominos, chaque devanture, de chez Monsieur ou Madame, aura porté plus d’histoires populaires que leur désordre ambiant peut laisser songer.
La grande transformation
Mais bientôt, la distribution sur l’île connait une révolution, sans précédent aucun, celle de l’automobile. Cet immense pan de modernité enfourné dans l’histoire martiniquaise et son monde de possible voit, comme partout en France, le libre-service s’excentrer, se gonfler, et devenir avaleur d’hommes et de pouvoir d’achat.
Enfin ouverts à la grande masse de consommation d’une population qui s’équipe, s’enrichit à mesure et se motorise, les surfaces de vente explosent. Le premier supermarché est ouvert en 1957 à Fort-de-France : un Prisunic, puis un hypermarché au nom déjà évocateur, Mammouth, ou en 1973 le Monoprix de Dillon. La distribution spécialisée se développe dans la foulée, et propose des espaces dédiés au bricolage, électroménager, mobilier…
La course est lancée, et vite, très vite apparaissent les premiers véritables centre-commerciaux, qui deviennent les bastions grande distribution à la Martinique. Pour la première fois, l’essor incommensurable de la voiture est intégré : Le Rond Point, Batelière, la Galléria, Génipa, Perrinon ou Océanis sortent de terre. Dans la décennie suivante, c’est le tournant important des discounters, qui s’installent sur l’île avec des enseignes bien familières, qui façonnent une autre façon de consommer !
Dans cette valse du commerce, les enseignes évoluent et les propriétaires, qui changent peu, font évoluer les marques en stratégies de communication et de diversification.
Au milieu des années 2000, la tendance règlementaire se porte plus à l’extension de l’existant qu’à la création brute : les nouveaux sites d’hyper distribution doivent se prévaloir d’un rééquilibrage du maillage territorial de service !