Le lamantin, un retour espéré depuis plus d'une décennie
Une apparition exceptionnelle au Moule
Depuis le jeudi 3 juillet 2025, un lamantin des Caraïbes (Trichechus manatus) a été observé dans les eaux côtières de la commune du Moule, en Guadeloupe. Une apparition aussi rare qu’inattendue, qui réveille une mémoire collective marquée par la disparition silencieuse de cette espèce des eaux antillaises depuis plus d’un siècle.
Le mammifère, une femelle adulte équipée d’une balise à Porto Rico en janvier 2025, fait actuellement l’objet d’un suivi attentif par une équipe spécialisée. Son état de santé est en cours d’évaluation. L’événement est d’autant plus marquant que le lamantin est classé espèce protégée, et considéré comme éteint localement dans les Antilles françaises.
Une espèce jadis familière de nos rivages
Autrefois, le lamantin évoluait librement dans les mangroves, estuaires et baies calmes de Guadeloupe et de Martinique. Animal pacifique et emblématique des écosystèmes littoraux, il a malheureusement disparu des eaux guadeloupéennes au XIXe siècle, principalement en raison de la chasse, de la destruction de son habitat naturel et de la pollution.
Des tentatives de réintroduction

L’observation récente d’un lamantin des Caraïbes au Moule intervient dans un contexte riche d’efforts passés pour réintroduire l’espèce en Guadeloupe. Cet événement exceptionnel résonne comme un écho aux tentatives ambitieuses menées depuis plus de dix ans par les autorités environnementales, le Parc national de la Guadeloupe et leurs partenaires.
Un projet porté par l’espoir
Dès 2010, la Guadeloupe se mobilise pour ramener le lamantin dans ses eaux, où il avait disparu depuis le XIXe siècle. L’espèce, autrefois présente dans les zones calmes de mangroves et d’estuaires, avait été décimée par la chasse, la pollution et la perte de son habitat.
Un projet de réintroduction d’envergure, baptisé LIFE Sirenia, voit alors le jour avec le soutien de l’Union européenne. Des structures d’accueil sont construites dans le Grand Cul-de-sac marin. L’objectif : acclimater des lamantins importés d’autres régions des Caraïbes et favoriser leur reproduction avant un retour en milieu naturel.
Des obstacles et des pertes
Malheureusement, ce programme est ralenti puis fragilisé par une série d’événements imprévus. Après un échec d’importation depuis le Brésil, deux jeunes mâles sont finalement accueillis en 2016, issus du zoo de Singapour : Kai et Junior. Mais très vite, Junior meurt, et Kai tombe gravement malade l’année suivante. Faute de conditions favorables et de perspectives claires, l’Union européenne suspend son soutien financier.
En 2018, une mission d’évaluation recommande une réorientation du projet : se tourner vers des individus nés en semi-liberté dans des régions voisines, comme le Mexique, et revoir les protocoles d’acclimatation. Depuis, le programme est en pause, même si les autorités restent mobilisées.
Une vigilance nécessaire pour préserver cette chance
L’observation récente au Moule représente donc un tournant potentiel pour la biodiversité locale. Mais la prudence reste de mise. L’animal pourrait être perturbé, voire mis en danger, par une approche humaine.
Les autorités rappellent que l’approche à moins de 300 mètres d’un mammifère marin est strictement interdite. Des mesures de protection sont mises en place avec la commune pour éviter toute nuisance terrestre. Une approche inappropriée, même sans contact, peut déranger l’animal, gêner son alimentation, son repos ou provoquer une fuite risquée.
👉 En cas d’observation, il est impératif de contacter uniquement le Réseau Échouage au 06 90 57 19 44.
Une lueur d’espoir pour les générations futures
Le retour du lamantin des Caraïbes en Guadeloupe, s’il se confirme, pourrait marquer le renouveau d’un lien entre l’homme et une nature fragile, trop souvent abîmée par l’activité humaine. C’est aussi un rappel de notre responsabilité collective : celle de protéger les espèces menacées et de préserver les trésors vivants qui font la richesse de nos territoires insulaires.
La vidéo et les photos diffusées ne montrent pas l’individu observé au Moule, mais ont été choisies à titre illustratif.