L’ÉLECTRICITÉ À LA MARTINIQUE

par Maisons Créoles

L’électricité est mère de toutes les sociétés contemporaines : à la Martinique, de curiosité technique en enjeux majeurs de société, elle soutient, en moins d’un siècle, la propulsion de l’île dans la modernité de la mère patrie… Et si l’historiographie peine parfois à en retrouver le fil conducteur, ce Kaléidoscope vous entraine tout de même à la poursuite de cette aventure unique.

L’électricité, le luxe de cette fin de XIXe

Les traces ne permettent que difficilement de remonter aux prémices de la fée électricité dans nos îles. En cette fin de XIXe siècle aux Antilles françaises, le temps est à la morosité économique et à la fin d’un système agricole en monoculture. Pourtant, c’est bien dans une sucrerie que l’on trouve, supposément le premier usage guadeloupéen de cette technologie révolutionnaire ; c’est sans doute le même scénario qui aura marqué la Martinique. A l’époque, quelques argentés tentent l’aventure et proposent l’éclairage public à de rares privilégiés. Pour les villes les plus heureuses, comme Saint-Pierre, c’est le nec plus ultra, la dernière pointe de luxe et de modernité à exposer. La fameuse salle de la Comédie, le théâtre de la ville, en aurait même été équipée ! À Fort de France, on évoque dès 1905 la magie d’une électricité fournie par une régie municipale nourrie, semble-t-il, de turbines animées par l’eau des canaux. Mais si l’usage en reste limité, la logique d’électrification de la métropole est appliquée, à mesure, à l’ensemble des colonies. Dans cette nouvelle manne à se partager, les Outre-mer offrent aux petites entreprises une opportunité unique. En Guadeloupe et en Martinique, c’est le groupe Munich, déjà affairé en Afrique coloniale française, qui comprend son intérêt. Il fonde notamment, à partir de 1932, la Compagnie Martiniquaise de Distribution de l’Energie Electrique (CMDE) et assure l’électrification dans l’île. Mais de ce groupe incisif, il reste surtout le souvenir d’une gestion sporadique, où la qualité du réseau et les services rendus restent inconstants.

L’électricité comme arme du politique

Au tournant du XXe siècle, malgré l’effort de développement de la grille de production et de distribution, l’électricité martiniquaise n’en finit plus de générer critiques et mécontentements. L’énergie est encore trop peu fiable, associée à des intérêts privés gourmands et un souci du service plus circonscrit. L’on crée, dans un contexte de départementalisation animée et d’efforts structurels sans précédent, une société d’économie mixte à la Martinique, la SPEDEM, sur le modèle d’organisation déjà à l’oeuvre en Guadeloupe, en préfiguration d’un service d’intérêt public. La fin de l’électricité privée s’acte, au moment où la CMDE voit sa concession annulée, en 1962. Le tour politique se renforce lorsque cette électricité vient notamment servir les programmes de viabilisation des nombreuses collines populaires de Fort-de-France, sous l’influence toute humaniste d’Aimé Césaire maire. En parallèle, dès 1967, elle est aussi le catalyseur d’une mobilisation importante des agents locaux de l’électrique, alors même que la Martinique militante vibre de ses luttes sociales et syndicales. C’est la préfiguration de l’année 1974, où l’électricité locale est finalement nationalisée et l’EDF confirmée dans son mandat. Il s’agira dès lors d’assurer le rattrapage du retard énergétique de ces départements français.

Le réseau moderne

Aujourd’hui, la production martiniquaise se conforte et se sécurise, dans le concept très opérationnel de Zone Insulaire non-Interconnectées. Et si l’effort récent consacre la diversification énergétique, l’indépendance de l’île repose toujours majoritairement sur de la production thermique, à 75%. En témoigne la très moderne usine de Bellefontaine, en remplacement progressif de son prédécesseur du même site. L’historique Pointe des Carrières devait elle, répondre à l’urgence de la demande. Les turbines d’appoint de la SARA marquent la valorisation de l’ensemble du tissu industriel. Et puis, il y a le champ libre laissé aux autres modes avec plus de 1000 producteurs décentralisés : l’usine d’incinération de Dillon permet la valorisation des déchets. De la biomasse monte en puissance au Galion, où la bagasse pourra trouver une nouvelle filière. Au solaire en développement, répondent des projets ambitieux mais encore modestes d’éolien, où le relief est pourtant une gageure. La part des énergies vertes dans le mix énergétique martiniquais est passée de 7% en 2018 à 25% en 2019 avec l’exploitation de la biomasse et du parc éolien de Grand- Rivière. L’objectif toujours partagé : donner la part belle au renouvelable, sur une île riche en potentiel, qu’il conviendra de coupler à des modes de consommation plus raisonnés.

Sources : Schnakenbourg, C. (2011). « Jalons pour l’histoire de l’électricité en Guadeloupe (1906-1975) ». Bulletin de la Société d’Histoire de la Guadeloupe, (158), 9–89

Texte et photos : © Corinne Daunar

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