Depuis les années 50, la Métropole, le monde entier sont désormais ouverts à la Martinique. Là où le vrombissement des rotations journalières autour de l’aéroport «Aimé Césaire» est devenu familier, l’histoire du transport aérien sur l’île mérite d’ être évoquée. Embarquement immédiat.
En 1947, parvenir à la Martinique par les airs est encore une aventure, à bord des hydravions Laté 631, forteresses aériennes dont le luxe relève aujourd’hui du mythe. Il faut dire que le temps s’est écoulé, depuis les 31h50 du vol bihebdomadaire reliant les Antilles à Paris via Dakar. En cette année 1953, seuls quelques 150 privilégiés constituent le contingent des passagers de cette ligne transatlantique.
De la mer à la terre, en passant par les airs
Le premier véritable jalon, c’est sans doute l’inauguration d’un terminal terrestre porté par l’État. Mais s’il démarre les rotations dès l’année 1950, il doit encore affronter un concurrent majeur et très bien installé : le maritime et son trafic largement développé. Le modeste aérogare de bois et sa courte piste ne s’autorisent d’ailleurs que des hôtes à hélice, laissant loin d’eux les premiers supersoniques. Pour autant, la technique n’attend plus, et les révolutions des industriels de l’aviation secouent un marché à peine existant : déjà la Caravelle relie Paris en moins de 20h, quand le Boeing 707 des années 1960 achève de rapprocher les continents. En région, les réseaux s’étoffent aussi, à bord de Douglas et de Caravelles, portant désormais les petites Antilles aux côtes de Floride !
Et puis, en 1972, l’aéroport reçoit en grandes pompes son premier géant, le Boeing 747 de Air France, pionnier de la démocratisation de l’air aux Antilles.
Un aéroport tourné vers le monde
La petite fourmilière se développe tranquillement autour d’un terrain de jeu aux dimensions colossales. Sa piste atteint bientôt les 3 300 mètres, et se permet d’accueillir toutes sortes d’appareils volants. À saturation à la fin des années 1980, il faudra attendre l’année 1995 pour assister à l’inauguration du nouveau terminal. Monstre de tôle et de verre, il est supposé recevoir plus de 2,5 millions passagers par an à l’intérieur de ses 28 000 mètres carrés.
Innovation d’importance, la tour de contrôle de l’aéroport, imposante vigie de 27 mètres de haut capable de réguler un ballet complexe d’aéronefs peu maniables et patauds. Tranquillement, l’infrastructure poursuit sa mue, évolue sans cesse, pour faire apparaître de nouveaux espaces commerciaux, de confort ou de sécurité. Dernière révolution en date, la refonte du parking pour s’attacher à la desserte du TCSP, imminente colonne vertébrale de tout le système de transport de l’île : résolument, l’aéroport s’ancre sur son territoire.
Des liaisons qui s’étoffent
Cet essor des vols transatlantiques suppose évidemment le désenclavement de la Martinique. En 1970, ils sont déjà près de 100 000 voyageurs annuels, rien que chez Air France, tandis qu’en 2003, ils sont 1,3 millions de passagers à fouler les dalles de l’aéroport international de Fort-de-France. D’ailleurs, ils sont nombreux à laisser leurs marques sur le tarmac de la Martinique, de fusions en opérations commerciales, de vols saisonniers en coups d’essai. Et derrière ses allures de calme colosse, l’aéroport est le témoin d’une évolution effrénée : il supporte les aéroplanes de nombreuses compagnies, des prestigieuses Air France, American Eagle et autres PANAM aux dynamiques Air Caraïbes, Norvegian ou XL Airlines, sans mentionner de plus éphémères mais mythiques AOM ou Air Liberté.
Parfois même, ce sont de drôles d’engins qui s’invitent, à l’instar du Concorde en 1995, pour l’inauguration du tout nouveau terminal, ou bien du A380 pour un vol d’essai transatlantique. À la suite du cyclone Dean, c’est d’ailleurs à un mastodonte des airs que la piste prêtera son flanc, l’Antonov 124, lourd de matériel de maintenance et de réparation.
Elles réunissent les familles, ouvrent la Martinique au monde, réduisent les distances à une peau de chagrin. Ces ailes, si régulières et familières soient-elles, ont révolutionné la vie de ce petit bout de France juché dans la Caraïbe. Et comme dans les autres territoires ultra-marins, l’aviation s’est glissée dans les moeurs, et ne risque pas de les quitter !
Texte : Corinne DAUNAR – Crédit photos : Air France