Nous l’avons croisé entre Cuba dont il est natif et Valence (en France) où il vit désormais. Ricardo ponce, peintre, céramiste, galeriste formateur a tout d’un oiseau. Un oiseau voyageur, rare et tapageur qui offre tout en formes et en couleurs une peinture venue d’ailleurs.
Bakoua de pêcheur visé au-dessus d’un visage débonnaire, pinceaux parés, Ricardo Ponce choisit en ce jour-là la Martinique pour exprimer son art. Maitre de l’allusion subtile, en véritable conteur, il compose tout un univers fait d’ambiguïtés où se mêlent avec talent le chromatisme caribéen, les empreintes et les ressentis d’un monde dans lequel il a grandi.
Un exercice pratiqué depuis toujours car Ricardo Ponce serait né peintre. Né en 1968 à Puerto Padre, à Cuba, le petit Ricardo dessine déjà tout ce qu’il perçoit. Mais il lui faudra attendre l’âge adulte pour entrer à l’École Elémentaire des Arts plastiques. Diplômé de la Real Academia des Beaux Arts de Cuba, il est très tôt remarqué dans les galeries de La Havane d’où il prend son envol pour de nouveaux horizons.
Après avoir exposé en Colombie ou aux États-Unis, il pose enfin ses valises en Europe trois années plus tard. De la Suisse au Festival de Cannes, il ne cesse d’étonner avec ses œuvres chatoyantes, tantôt graves, parfois mystiques et grâce auxquelles il dresse un portrait d’un pays rêvé qu’il a pourtant quitté. À travers sa peinture il porte un regard puissant et sans concession sur les relations de ceux qui en font l’histoire.
« Cuba, explique-t’il, c’est le choc de la culture africaine et européenne, où une mythologie particulière est née du christianisme, de la Regla de Osha, a donné naissance à la Santeria, c’est ce syncrétisme qui domine dans mon travail. Lazare, le ressuscité, que nous appelons Babalu Ayé en est un exemple, de la façon dont nous avons adapté les croyances. Je décris aussi la vie de tous les jours, je parle toujours de Cuba, mon pays, des gens, de la dureté de l’existence, mais aussi de son habileté à améliorer la vie quotidienne par une continuelle inventivité ».
Avec cet art brut, singulier, populaire, il nous parle tout aussi bien de son quotidien. En utilisant ses propres techniques picturales ou en usant de formules artistiques qui vont de Georg Grosz (peintre allemand membre actif du mouvement dada) à Picasso (à sa période cubique) il se raconte et fait de l’espace pictural son journal intime. Ici, la famille, un déménagement, une nouvelle maison. Et à chaque œuvre ses symboles : une bougie pour la lumière, un poisson pour la prospérité, Eleggua, figure mythique, pour la protection. La couleur et la gaité apposées feraient presque résonner quelques notes d’une salsa caliente.
Avec un style très original, le plasticien donne naissance à des personnages à mi-chemin entre humour et gravité, entre fantasme et réalité. Les traits durcis par la géométrie des lignes, l’« homme caricature » ou son bestiaire imaginaire ne sont pas si grossiers et s’adoucissent sous la lueur de la tendresse.
Toujours en quête de matières et de textures particulières, il donne du relief à ses peintures, superpose les pigments, joue avec le journal et la colle. Il explore tous les supports : les murs, les toiles, la céramique sont autant de terrains d’expressions. Puis comme happé par le besoin de voyager, notre oiseau sans crier garde reprend son envol, vers ses horizons caribéens qu’il peint, qu’il peint comme une histoire sans fin.
Texte & Photos : Corinne Daunar
Ricardo Ponce en cinq couleurs
Vert, pour l’espoir d’un avenir meilleur.
Rouge, pour la colère mais aussi pour sa passion de vivre.
Bleu, pour la mer des Caraïbes, pour Yemena déesse de la mer, mère de la nature et des enfants cubains.
Jaune, pour Ochun déesse de la rivière.
Noir, pour ses contours tout simplement.