La Réunion a un passé récent, auquel l’archéologie nationale ne s’est intéressée que tardivement. L’île se passionna longtemps pour la chasse au trésor, qui se faisait avec des autorisations officielles. Cette page appartient à l’histoire.
Depuis 2010, la préfecture de La Réunion dispose d’un service archéologique, au sein de la Direction des affaires culturelles – océan Indien (DAC-OI). Notre région était la dernière, de métropole et d’outre-mer, à organiser la conservation, l’étude et la valorisation de son patrimoine archéologique.
DES FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES EN COEUR URBAIN
Un diagnostic archéologique préventif sur l’emprise de l’ancienne prison Juliette Dodu, à l’angle des rues Juliette Dodu et La Bourdonnais à Saint-Denis a été réalisé par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) en août 2013, en prévision de la rénovation de cet îlot urbain.
Le site, qui fut une prison pendant deux siècles et demi, présente encore des bâtiments anciens en élévation, mais a été modernisé au cours du temps. Les fouilles archéologiques ont révélé sous les cours actuelles les vestiges du bâtiment central du XVIIIe siècle, disparu à la moitié du XIXe, ainsi que des aménagements antérieurs de sols et de murs.
UNE OPÉRATION TECHNIQUE COMPLEXE
Afin de vérifier si d’autres vestiges étaient encore conservés sous le sol actuel, des sondages archéologiques ont été effectués. Encore fallait-il abattre des murs, percer les dalles de béton armé à l’aide d’un brise-roche hydraulique puis d’un godet à dents, et traverser jusqu’à 80 cm bétonnés avant de pouvoir fouiller avec un godet lisse, et enfin manuellement. Cinq tranchées de diagnostic ont alors été réalisées.
LES VESTIGES DU BÂTIMENT CENTRAL
D’après les sources historiques, la parcelle la plus ancienne de la prison se situe dans la partie nord du terrain. Un petit bâtiment central s’y trouvait dès l’achat de l’emplacement en 1771 pour en faire une prison. Deux des tranchées ont révélé la base des murs de cette structure, sous le sol des cours contemporaines, qui mériteront donc d’être fouillées plus amplement.
Cette geôle fut démolie lors des réaménagements de 1846. A l’ouest, des bordures de tuiles ont permis d’identifier un jardin.
La partie, où se trouvait le tribunal avant l’extension de la prison au milieu du XIXe siècle, n’a pas livré de structure correspondant à ce bâtiment, mais du mobilier de cette époque.
Les sondages ont également livré les vestiges d’une conduite souterraine en terre cuite dont la pose est datée de 1846. Aucun élément directement lié à l’univers carcéral n’a été retrouvé. On dispose tout de même d’un peu de mobilier, tessons de vaisselle en céramique et en verre, quelques fragments de pipes en terre cuite, des restes de faune consommée (porc et bovin), qui documentent la vie quotidienne dans la prison.
Le pillage des sites archéologiques est un fléau planétaire, qui n’épargne la France ni en métropole, ni outre-mer. Le fait de retirer une découverte de son contexte provoque en soi une perte irréversible et définitive. Sorti du sol sans avoir enregistré ses coordonnées, l’objet aura perdu l’essentiel de son information archéologique, perdu à tout jamais, car on ne fouille qu’une fois, et chaque site est unique !
Texte : Corine Tellier
PHOTOS : INRAP & DAC-OI
Remerciements à Thomas Romon, responsable d’opération à l’Inrap, et Edouard Jacquot, conservateur régional de l’archéologie, Dac-oI
Photos : Inrap et Dac-oI