Du bout de ses ciseaux ronds, Maryjo Design crée, au gré des lignes tracées au hasard du tissu et de ses motifs. Elle se joue de l’étoffe comme d’un ensemble à toujours revisiter elle découpe le monde et les cultures pour sans cesse le redessiner, composite, chatoyant, mélangé.
Et c’est naturellement au cœur de la Martinique qu’elle a développé son art, portée par la puissance d’un territoire fier et ô combien multiple, véritable Patchwork culturel.
Maryjo, une vie en superpositions
Et si elle s’amuse de ces chevauchements de matières, de dessins et de formes, c’est en un hommage toujours recommencé au multiculturalisme. Cette ouverture au monde, à l’atelier comme dans ses œuvres, elle le porte de racines profondes et voyageuses. C’est en terres algériennes qu’elle ouvre les yeux, avant de mêler à ces traces d’Afrique une enfance normande et verte. Elle y découvre l’apaisement de la vie des champs et, surtout, la couture, sous les pelotes de laine d’une mère créatrice.
Elle ne quitte plus l’univers de la flanelle et des satins, et s’aguerrit aux points et coupes chez Chanel. Déjà là elle s’imagine marier les morceaux pour créer de nouveaux et inattendus aplats de tissus. Plus tard, elle ose le défi et boude une carrière de textiles pour retrouver le bastion d’une grand-mère martiniquaise : ce sera l’aventure de l’artisanat et, en ligne de mire, celui de l’art à part entière. Bientôt surgissent les créations, emmenées par des toiles enchanteresses et compositions aux influences du monde.
L’art et la matière
Dans son atelier se bousculent les esquisses et canevas : tableaux recomposés, parures de maison, bijoux d’étoffes et, déjà au bout des doigts, une collection de vêtements. La couturière de génie brode son art d’infinies envies et matières. Le coton, le voile, le brocard habillent ses créations ; les couleurs s’invitent dans ce monde d’effusion : les variations d’azur de l’océan, l’altesse d’un carmin, d’un rouille, d’un dégradé de feu. La toile est son terrain de jeu : elle y coupe, pique et taille les pièces des modèles qui émergent d’un esprit en ébullition.
Sa muse ? Le monde et de ses cultures. Les Antilles à elles seules, qui portent le madras en héritage. Savamment revisité, elle l’intègre à ses collections, aux côtés des contours Massaï et fait du patchwork son fétiche. Dans ce fourmillement d’influences, le wax africain retrouve les tonalités lumineuses du creuset caribéen pour offrir des associations fulgurantes et puissantes.
Quant à ses parures, ce sont les pièces et la matière qui commandent le processus de création : le bijou est monté, démonté, fragmenté, jusqu’à correspondre à l’inspiration initiale. Il peut aussi se laisser dessiner par les traits de son porteur, et évoluer, d’une matière à l’autre, du textile au métal, d’un mouvement à l’autre. Côté maison, ses coussins et étoffes d’intérieurs s’hérissent de motifs, du pois à la rayure, dans un chaos apaisé.
De l’art d’être reconnu
Mais au-delà de la création, Maryjo se veut militante. Elle rassemble au cœur de Créat’Art, l’association des créateurs et ateliers d’art, les forces vives et mains précises de l’artisanat de talent. Sa démarche, les faire rayonner à travers des salons, des happenings, des lieux d’échanges et de culture, pour accroître le réseau des créateurs de l’île et mêler les genres. Elle entend bien favoriser la reconnaissance de l’artisan-créateur, sensibiliser le public à ces moments d’art et permettre à l’artiste de s’épanouir en tant que tel. Battante et engagée, elle se découvre une facette, mordante et politique, et intègre la nouvelle équipe de la chambre des métiers. Plus que jamais, elle milite pour les auteurs Martiniquais et pour le Made in Madinina.
Texte & Photos : Corinne Daunar