Ce large couvre chef, confectionné aux Saintes par les hommes, a des origines qui remontent à l’Asie du Nord. Certains pêcheurs de l’île le portent encore car il les protège des caprices du temps.
L’INDOCHINE
En 1887, la France y crée l’Union Indochinoise, regroupant Annam, Cambodge, Cochinchine, Laos, Tonkin. Divers modèles de Salakot existent dans ces régions où ils sont réalisés avec de la paille de riz, du rotin, des lamelles de bambous. Coniques, légers, aux bords courbés ils sont recouverts de cotonnade noire, ceux des dignitaires, plus travaillés sont rehaussés d’argent ou d’écaille.
LE MODÈLE ANNAMITE
Il est porté par les troupes, habillé de tissu kaki, plus court et plat, il se prolonge d’un couvre nuque partant des tempes. Le modèle militaire de 1920, en lamelles de bambou vernissées, tient par une jugulaire en cuir, sur le devant du salako, figure une ancre de marine. Vers 1930, trois initiales en cuivre ajoutées désignent la Garde Civile Locale.
LE MODÈLE TONKINOIS
En 1873, il coiffe les Officiers de Marine Français durant l’expédition au Tonkin. Il est réalisé en feuilles de palmier tressé et recouvert de coton blanc, ses plats bords sont arrondis. De 1880 à 1913, celui des tirailleurs Indochinois, en bambou, plus petit, est maintenu sous le menton par une bande de tissu rouge. En 1917, lorsque ces tirailleurs arrivent en France, ils font sensation avec leurs dents laquées de noir, arborant le salakot sur leurs cheveux bruns maintenus en chignons.
SON ARRIVÉ AUX SAINTES
Entre 1834 et 1885, des Chinois et des Annamites coiffés de Salakot arrivent en Guadeloupe parmi les travailleurs Africains et Indiens. Ils viennent travailler à la poterie de la Grande Baie aux Saintes. En 1873, d’autres Annamites condamnés à cinq ans de travaux forcés pour rébellion envers l’Etat Français, sont envoyés au bagne des Saintes sur l’Ilet à Cabrit, autrefois nommé Petite Martinique, qui reçoit des bagnards dans sa maison centrale « de Force et de Correction » jusqu’en 1902.
Les pêcheurs Saintois adoptent et adaptent le Salakot, qui devient Salacco, avec un ou deux « C », perdant son « T » et son « K ».
RÉALISATION SAINTOISE
Il faut cinq heures pour réaliser un Salacco de quarante centimètres de diamètre, d’une hauteur de sept centimètres et pesant six cent grammes.
On utilise des lattes de bambou qui sont fixées à un bouchon central en bois de Mamin, épointé vers le haut, formant le cœur du chapeau. Ces lamelles longues de vingt centimètres ont été préalablement mises à sécher au soleil ce qui les a assouplies. Elles sont alors aplaties puis fixées avec du fil de pêche, à trois cercles concentriques. L’assise du tour de tête fait vingt centimètres. Cylindrique, elle est réalisée en clisses de bambou sur le modèle des nasses de pêche. Une fois fixée au Salacco, celui-ci est prêt à être recouvert d’un tissu coloré, genre madras qui est cousu à la main.
A l’origine, le salacco était porté aux Saintes à l’état brut, puis on l’a recouvert de tissu blanc sur sa face externe et d’une cotonnade couleur ciel à l’intérieur en référence au manteau de la Notre Dame de l’Assomption, patronne de Terre de Haut. Deux bandes de tissu passées sous le menton le maintienne en place lors des coups de vent, le salacco est de nos jours Saintois à part entière.
Texte & Photos : Angel St Benoit