Lionel Perrot
Et c’est au creux de son atelier que l’enfance de Lionel se dessine et se colore, dans le fatras passionné des canevas et des tubes.
Les couleurs, pinceaux, couteaux, le fuseau et l’huile deviennent très tôt le terrain de jeu du petit garçon. Et c’est avec un autoportrait réalisé dans l’ignorance de ses 6 ans que sa vocation prend vie… même s’il l’ignore alors encore. Il lui faudra attendre une trentaine d’années et une carrière qui s’est conformée dans le milieu de la finance avant que n’éclate au grand jour son talent. Et alors que le monde est bouleversé par la pandémie, Lionel prend une décision : il devenir ce dont pourquoi il se sent intimement voué : l’art. Il installe son atelier, y accroche ses toiles, attrape ses teintes et se met à l’œuvre.
Il est libre l’artiste !
Il est tout naturellement porté par son père, par KhoKho et d’autres grands peintres abstraits, autant que par les Mangas, ces histoires dessinées japonaises (littéralement « images dérisoires ») dont il raffole. Et dans cette épopée, il multiplie les approches, et s’attache notamment au « pouring », cette singulière technique de la peinture liquide appliquée sur la toile et du goutte-à-goutte que l’on reconnait aisément chez Pollock. Il use aussi de l’acrylique, qu’il affectionne particulièrement pour son séchage rapide, tandis que l’aérographe et le couteau opposent les rendus et et lui permettent de superposer les textures…
Autodidacte, il est une valeur au centre de la création de Lionel Perrot : le refus des limites, qui pourraient entraver l’expression et perturber le message. Hors de toute contrainte académique, il opère sans cadre, pour laisser perler sauvagement le processus créatif. Et c’est en musique, sinon en introspection, qu’il ouvre le dialogue avec sa toile. A grands renforts d’aplats, en cisaillant sous le pinceau, les couteaux et la bombe et les éclats liquides, il fait œuvre et enroule dans l’abstrait messages et indices.
Un fil rouge : l’évocation
Sous le trait, c’est la paréidolie qui vient poindre : entendre la tendance, d’instinct, à ressentir dans un grand ensemble en mouvement une forme familière. Si elle se pratique à l’accoutumée au large d’un nuage, d’un arbre ou d’une lointaine constellation, c’est ici dans les circonvolutions de la peinture que ce message se décrypte. L’erreur, si tant est que l’on puisse l’en qualifier, est au cœur de la mécanique : la forme déclenchée, impulsée par l’artiste peut être, parfois, lue par l’œil critique sous un prisme bien différent de l’intention initiale : c’est dans cette rencontre des visions que se faufilent les plus intenses résultats de création !
Au cœur de l’œuvre, ce sont aussi des référents d’une modernité pointue : à la surface de son « Devenir », un homme », c’est un scaphandrier, un astronaute qui semble fendre les coulées colorées pour oser le pas en avant.
Les emprunts à la pop-culture zèbrent les séries de Lionel Perrot : au « Grand papa Césaire » répond l’abstrait figuratif du très inspiré « Elu », L’athlète LeBron aux profondes éthique de travail, persévérance et détermination.
Et ce souffle plasticien, c’est bien au-delà des supports classiques que Lionel entend le porter : en grands formats, chaussés aux pieds, en immersion au centre de la maison, le canevas devient ce que le pinceau et l’inspiration parviennent à atteindre. Le beau égaie, et rien ne sert de l’enfermer sur la toile… c’est la proposition pétillante et intensément contemporaine de Lionel Perrot.
Texte : Corinne Daunar
Photos, JP. Valard, Lionel Perrot