Et si, au creux de la salle-à-manger, devait se cacher une merveille de raffinement et d’élégance ? La cave à liqueur, qui fait fureur dans la France du Second Empire, est devenue la référence du luxe et de l’élégance. Mais est-elle seulement parvenue aux côtes bercées des colonies d’Amérique ? Sur la trace de ce petit coffre précieux, l’aventure ne fait que commencer : d’extrapolation en témoignages fidèles, tentative de reconstitution !
Du meuble à la cave, une question de proportion
A l’origine donc, dans la France bourgeoise du milieu XIXe, éclot, en une mode furieuse, le plaisir de la cave à liqueur, ce petit coffret précieux qui renferme les plus beaux élixirs. De l’origine, dans le courant du XVIIIe siècle, au climax, la cave à liqueur s’emploie à transcender les modes et les codes du luxe. Au fil des vicissitudes historiques d’une France de la Restauration, de la Monarchie de Juillet ou du Second Empire, la cave à liqueur passe de formes et de finitions sobres et pudiques aux raffinements les plus fantasques, sous l’unique inspiration des manufacteurs de renom. Essences précieuses, alliages fins de laiton, bronze ou autre écailles, mécanismes savant et complexes permettant l’ouverture du petit coffret contre un moment d’ensorcellement et d’ivresse. C’est d’ailleurs là le plus beau secret de ces caves, leur verrerie précieuse et assortie. Elles révèlent, pour les plus rares, des cristaux de Baccarat, une série de petits verres à liqueur de dégustation accompagnant un à trois ou quatre flacons ouvragés. Ici, le modèle est volontairement portatif. Mais d’autres se veulent bien plus imposants : ces plus grands cabinets et autres meubles à liqueurs, ancrés, sont inamovibles, ou posés sur roulettes, et ils quittent les usages nomades pour venir habiller les intérieurs du XIXe siècles. Un plateau savamment dissimulé, des espaces de rangement habiles et des bouteilles entières satisfont les hôtes.
Et alors, dans la Caraïbe, un meuble pas si répandu ?
Voilà donc pour l’Europe des expérimentations politiques et sociales, mais qu’en est-il de la Caraïbe et des Colonies, françaises notamment ? Dans cet Outre-Mer de l’abolition de l’esclavage, c’est vers Barbade que le meuble se retrouve, dans son format XXL. Dans le plus pur style colonial britannique, le cabinet de liqueur s’habille d’essences tropicales, au premier rang desquelles le fameux mahogany, mais conserve la sobriété pratique et élégante des colonies des Indes d’Amérique. Le plus important, pour autant, est bel et bien présent : de petits verres de dégustation, des décanteurs en cristal ou pichets pour le service. Le principe, pour ces plus grands modèles, et de constituer une véritable cave à Whisky ou à vin, dont l’intégrité pouvait être garantie par un système de verrous. Ces coffres sur pied, concaves ou droits, ajourés ou ciselés, on les trouve aussi sur les terres américaines, ponctuant son histoire révolutionnaire et belligérante de l’influence des ébénistes anglais et caraïbéens.
Et comme les savoir-faire, les modes et les hommes sont voyageurs, surtout dans le contexte bouillonnant des Antilles, les foyers des colonies françaises ont pu s’en emparer, laissant aux artisans locaux le soin d’adopter et adapter ces nouvelles formes et usages aux intérieurs martiniquais ou guadeloupéens. Services à liqueur ou punch, coffres, dessertes et plateaux en bois fins ne se voulant, finalement, que les dérivés inspirés de cette cocasse cave à liqueur européenne !