Jamais nos régions n’avaient connu de cyclones de telle intensité. Devons-nous nous habituer à ce type de cataclysme ? Quoi qu’il en soit, nous allons devoir revoir nos critères en termes de protection.
Pour rappel, la saison cyclonique aux Antilles françaises s’étend du 1er juin au 30 novembre. Le pic d’activité, estimé statistiquement au 10 septembre, s’est révélé particulièrement exact pour l’année 2017 avec l’enchaînement de sept ouragans. Mais cette année, c’est la fréquence des ouragans majeurs dans la région qui surprend même les plus avertis. Le 5 septembre, l’ouragan IRMA, cyclone de catégorie 5, le plus grand jamais enregistré sur l’océan atlantique, frappait les Iles du Nord après un passage près des côtes martiniquaises puis guadeloupéennes sans provoquer de dégât. Les vents, la houle, les pluies se sont avérées d’une telle puissance que certains bâtiments publics de Saint-Martin n’ont pas résisté. Le samedi 9 septembre, c’est au tour de l’ouragan JOSE, classé catégorie 4, avec des vents aux environs de 200 km/h, d’approcher dangereusement de l’arc antillais. Il finira par passer au large après avoir provoqué une nouvelle frayeur dans les Îles du Nord déjà sinistrées quelques jours plus tôt par IRMA.
Le 18 septembre, l’ouragan MARIA était annoncé en début de journée de force 1, en direction de l’arc antillais. Après avoir touché la Martinique sans provoquer trop de dégâts, le phénomène a continué sa route vers la Dominique. Il y a détruit 90 % des habitations puis s’est dirigé vers les côtes Sud de la Guadeloupe. Il s’est renforcé en quelques heures jusqu’à devenir un phénomène extrêmement dangereux classé catégorie 5. Les îles des Saintes et de Marie-Galante ont été les premières touchées par la violence de ce phénomène qui a ensuite atteint le Sud de la Basse Terre. Ses effets ont été ressentis jusque dans le Nord de la Grande Terre.
Un Bilan colossal suite aux passages de José, Harvey, Irma et Maria (estimation des assurances au 10 octobre 2017)
IRMA dans les îles du Nord : 1,2 milliards de dégâts
– 85 % d’habitations endommagées (toitures arrachées, logements inondés) et 5 % détruites.
– Bilan humain : 11 morts
MARIA en Guadeloupe et Martinique : 500 millions
– De nombreuses communes de la Guadeloupe, et plus particulièrement au Sud Basse-Terre et dans les îles du Sud (Les Saintes, Marie-Galante, La Désirade) ont été inondées et ont subi des vents particulièrement violents. Beaucoup d’arbres ont été déracinés par la force des vents, la totalité des bananeraies a été ravagée, de nombreuses infrastructures ont été endommagées ou rendues inaccessibles temporairement.
– En Martinique, 50 000 personnes ont été privées d’électricité bien que les centrales électriques aient résisté à la violence des vents. Aucun dégât matériel majeur n’est à déplorer mais 70 % des bananeraies sont détruites.
Les ouragans dans nos régions : une fatalité !
José, Harvey, Irma, Maria, voici les noms des phénomènes qui sont devenus des ouragans majeurs entre la fin du mois d’août et le 19 septembre. Deux d’entre eux ont atteint la catégorie 5, classe la plus élevée, avec des vents bien supérieurs à 250 km/h.
Des évènements de plus en plus destructeurs
IRMA a touché les Îles du Nord avec des vents moyens à 260 km/h et des rafales atteignant les 360 Km/h combinés à des pluies intenses, une houle de 8 à 10 m ainsi qu’une marée de tempête de 4 à 5 m de plus que la normale. Des météorologues ont depuis IRMA, proposé de créer une catégorie 6 pour les ouragans dont les vents dépassent les 280 km/h. Affaire à suivre ! MARIA a approché l’arc antillais classé tempête tropicale dans la nuit du 17 au 18 septembre. Devenu ouragan de catégorie 1 dans la matinée du lundi 18 septembre, il s’est intensifié très rapidement au point d’atteindre la catégorie 5 quelques heures plus tard en approchant la Dominique et la Guadeloupe. La force de ses vents avait alors doublé, passant de 120 km/h à 240 km/h.
Les ouragans, conséquence du réchauffement climatique ?
Le dérèglement climatique s’avère une réalité aux Antilles avec notamment la température de la mer qui est supérieure à la normale même s’il semble encore difficile, pour les scientifiques, de faire un lien direct entre le réchauffement climatique et la genèse de tels phénomènes. Les experts semblent plus inquiets de l’intensité des ouragans dans les prochaines années que du nombre de phénomènes à venir. L’augmentation de la température des eaux ainsi que la présence accrue de vapeur d’eau, induits par le réchauffement de la planète, contribuent à fournir son énergie à un ouragan et renforce son intensité.
Les prévisions, une science exacte ?
Contrairement aux séismes qui demeurent toujours imprévisibles de nos jours, l’anticipation de la trajectoire et de la force d’un ouragan se fait de plus en plus précise. Ces prévisions sont indispensables pour mettre en garde les populations et ainsi réduire le nombre des victimes. Des informations utiles qui permettent d’éviter de déclencher une alerte infondée qui provoquerait un arrêt de l’économie et un préjudice important. Toutefois, le risque n’est en aucun cas sous-évalué par les météorologues. Ces prévisions sont réalisées à l’aide de modèles numériques et d’images satellitaires, d’observations en mer, de ballons équipés de sondes, de radars, d’avions de reconnaissance. Ces modèles sont à même de prévoir la formation d’un phénomène tropical avant qu’il ne se soit formé. L’exemple de MARIA, qui s’est intensifié très rapidement et pour lequel la trajectoire est restée incertaine, marque bien toutefois les limites des prévisions et la nécessité pour les populations de se préparer à chaque saison cyclonique. Ces consignes sont activement rappelées par les autorités (disposer de réserves d’eau, de nourriture, de bougies …) chaque année. Malheureusement, on s’aperçoit, qu’après quelques saisons sans phénomène majeur, la population semble se croire à l’abri et se retrouve dépourvue ainsi à la moindre alerte.
Les normes de constructions
Face aux risques naturels, la région Caraïbe est menacée régulièrement et au plus haut niveau par une palette complète de risques entre ouragans, séismes tectoniques et volcaniques, tsunamis, inondations, éboulements … C’est pourquoi, cette zone géographique est soumise à des normes européennes qui règlementent la conception des structures porteuses ou encore la mise en oeuvre des structures en bois et principalement des charpentes, très majoritaires dans nos régions et particulièrement sensibles aux ouragans.
L’ancrage au sol, le contreventement et la prise au vent sont les axes de conception essentiels à maîtriser ; L’ancrage au sol est assuré par des fondations épaisses et profondes. Le contreventement permet d’assurer la stabilité de la charpente et la résistance de la toiture au vent. La pente de la toiture (30° maximum), son mode de pose et de fixation contribuent à sa résistance aux vents violents. Il est conseillé de faire procéder à la vérification régulière des joints et des fixations de la toiture. Les baies vitrées de grandes tailles sont déconseillées et toutes les ouvertures doivent bénéficier d’un volet de protection paracyclonique. Il n’est pas rare de constater des habitations illégales ou bien des extensions, des surélévations ajoutées à des constructions initialement légales. Malheureusement ces travaux sont souvent réalisés dans le déni total des aléas auxquels nos régions sont soumises et du respect impératif des normes compte-tenu des risques encourus. Ces contrôles relèvent des services de chaque commune chargés de la délivrance des permis de construire, du respect des PLU, PPRN … Les conséquences du non-respect des normes en vigueur viennent d’être mises à jour à Saint-Martin. Les architectes chargés de l’étude des dégâts après le passage d’IRMA pointent du doigt les défauts de conception des bâtiments (absence de chaînage, qualité de béton insuffisante, ferraillages corrodés, manque d’entretien …) qui ont fortement contribué à la destruction des bâtiments. Une fois passée l’urgence qui nécessite des choix provisoires, la réflexion doit porter sur les choix de réaménagement à l’image des routes littorales impraticables et servant quelquefois de tremplin à la vague, des stations de dessalement, implantées quasi au niveau de la mer, jusqu’à ceux concernant une définition adaptée des ouvrages, cahier des charges à l’appui. Ces modes de reconstruction doivent être réfléchis afin d’être à même de résister à un ouragan de classe 6, qui n’est pour l’instant pas codifié, mais qui compte tenu du réchauffement constaté des eaux tropicales atlantiques, pourrait finalement être normé. Le délégué ministériel à la reconstruction de Saint-Martin, soucieux de « ne pas reproduire les erreurs du passé » vient d’annoncer qu’ « aucune structure fixe ne sera autorisée dans la zone des 50 pas géométriques » ; Des propos qui font déjà polémiques.
Les incitations financières
Bien que mal connues du grand public par manque de communication, il existe des solutions de substitution à l’image des échanges de terrains, d’une assistance au renforcement de l’habitation (si la zone n’est pas classée en rouge) et des aides financières auprès de l’Etat, de la Région, du Département, de la CAF, CGSS … La lourdeur administrative ainsi que le volume de financement affecté souvent insuffisant peut, à l’évidence, s’avérer décourageant mais les récentes alertes que nous venons de subir doivent servir d’exemple.
L’implication des banques
Les banques, de leur côté peuvent jouer un rôle dans la surveillance du respect des normes lors des demandes de financement. Le bien financé constitue en général la garantie pour l’organisme prêteur. Or, seules les malfaçons inhérentes à une construction réalisée par un professionnel sont prises en charge par un assureur. Toutefois, un refus de financement est malheureusement assez aisément contourné par le travail clandestin ou le « coup de main », pratique toujours très présente dans nos îles. Même si les matériaux utilisés disposent des caractéristiques satisfaisantes, la construction peut s’avérer à l’origine d’un futur désastre si les matériaux sont sous-calibrés, non adaptés, mal mis en oeuvre ou encore mal suivis dans le temps.
Se donner les moyens d’être autonome
Lors du passage d’un ouragan, il n’est pas rare d’être privé d’eau potable et d’électricité. Ces situations provisoires mais inconfortables peuvent être atténuées par des équipements qui garantissent une certaine autonomie. Il peut s’agir d’une citerne d’eau potable souple qui, une fois vidée et repliée, ne nécessite que peu d’espace pour son rangement. D’autres solutions sont à votre disposition ; Des citernes souples qui collectent l’eau de pluie par les gouttières et qui peuvent s’installer facilement, par exemple, sous un deck. Il existe également des modèles rigides en polyéthylène ou en béton de diverses tailles à poser dans le jardin ou à enterrer. Attention, l’eau de pluie ne peut pas être utilisée pour un usage alimentaire (uniquement pour alimenter la chasse d’eau, nettoyer les sols et le linge). L’installation donne droit à un crédit d’impôt.
Pour faire face aux coupures d’électricité, des groupes électrogènes électriques, à gaz ou solaires sont disponibles sur le marché ainsi que des panneaux solaires. Il peut s’agir de panneaux installés sur le toit visant à fournir une partie de l’électricité tout au long de l’année ou d’un module permettant de bénéficier d’un éclairage de secours, de recharger un téléphone. D’autres modèles permettent, de disposer d’un éclairage quasi normal dans l’habitation voire même, pour les plus puissants, d’utiliser la climatisation et l’électroménager.
Vous trouverez également sur le marché des kits de survie permettant une autonomie de quelques jours dans l’attente des premiers secours. Ces kits incluent généralement une réserve en eau et alimentation, un moyen d’éclairage et de communication, des produits d’hygiène et de premiers secours, des outils basiques d’assistance …
L’enfouissement des lignes
Avec des rafales de vents à plus de 360 km/h pour IRMA et plus de 260 km/h pour MARIA, la question de la nécessité d’enterrer les lignes électriques et téléphoniques se pose à nouveau. Au-delà de priver les foyers d’énergie, les câbles électriques tombés à terre après le passage d’un ouragan constituent un réel danger pour la population. Après le passage d’Hugo en 1989, cette solution avait déjà été évoquée …
Les assurances
Les contrats multirisques habitation couvrent la majorité des sinistres et disposent d’une garantie tempête. Elles couvrent les dommages causés par le vent et par la pluie. Quant aux dégâts occasionnés par le vent sur les volets, les persiennes, les antennes, les chauffe-eau solaires, leur prise en charge est fonction du contrat et des options choisies. Il en est de même pour la piscine, le garage, un abri de jardin, la clôture … Reportez-vous au détail de votre contrat. Chacun peut choisir son niveau d’indemnisation, les exclusions, le montant de la franchise … L’estimation de la valeur des biens est primordiale car elle servira de base pour l’indemnisation en cas de sinistre. Il est donc essentiel de ne pas sous-estimer les biens simplement pour réduire le montant de la prime d’assurance à payer. La garantie tempête s’applique si l’état de catastrophe naturelle n’est pas déclaré dans la commune de votre résidence. La procédure consiste à adresser une déclaration à l’assureur dans les cinq jours ouvrés qui suivent le sinistre en faisant un inventaire des biens endommagés et en fournissant, par la suite, les justificatifs (factures d’achat, de réparation, acte de propriété …).
L’état de catastrophe naturelle
Il est décidé par l’Etat qui détermine commune par commune si les conditions sont réunies. Il permet à tous ceux qui ont souscrit une assurance pour leur habitation ou leur véhicule de bénéficier d’une première indemnisation plus rapidement grâce au déblocage d’un fond d’urgence. Il permet également la prise en compte de dégâts non couverts par une garantie classique et provoqués par la houle ou la subduction marine.
Les populations des îles de Saint-Martin et de Saint- Barthélemy ont eu la possibilité de transmettre leur déclaration de sinistre jusqu’au 15 octobre pour ce qui est du cyclone IRMA. Un nouvel arrêté de catastrophe naturelle a été publié après le passage de MARIA avec une date limite de déclaration de sinistre fixée au 30 octobre pour les Îles du Nord, la Guadeloupe et la Martinique. Des dates vont bien au-delà du délai légal de 10 jours qui prend effet à la publication de l’arrêté de catastrophe naturelle au Journal Officiel.
Les prises en charge des assureurs
Les dommages aux bâtiments, au mobilier et matériel assurés, Les frais de pompage et de nettoyage Les dommages causés par l’humidité ou la condensation suite à l’inondation Les frais d’études de remise en état d’un bien Les honoraires de professionnel (architecte, contrôle technique, expert …) Les frais de démolition et de déblais Les frais de relogement si le logement est inhabitable
Contester l’indemnisation de l’assurance
Si le montant du sinistre dépasse un certain seuil, l’assureur peut faire appel à un expert chargé d’évaluer le montant des dégâts. Si son expertise ne convient pas à l’assuré, ce dernier dispose de la liberté de demander une contre expertise à ses frais et de faire appel à un expert d’assuré. Ses honoraires varient selon le montant du sinistre et représentent au maximum 10 % du montant concerné.
Les primes sont-elles amenées à augmenter dans le futur proche ?
La sinistralité influe effectivement sur le montant des primes d’assurance puisqu’une partie de son calcul est basé sur la probabilité du risque mais également sur son coût. Les assurances ne sont encore qu’à l’étape du recueil des informations.
Rappelons toutefois qu’une assurance permet de garantir son patrimoine. Faire l’impasse sur une telle garantie sous prétexte d’économie peut s’avérer catastrophique. Les compagnies ont reçu de nombreux appels de propriétaires non assurés cherchant à contracter une assurance, en vain, à l’annonce de l’approche de l’ouragan MARIA.
Textes : CHRISTINE MOREL
Photos : © SIMAX COMMUNICATION