Avant la Révolution Française dans la commune de Gourbeyre, le long de la Route Coloniale menant à Basse-Terre, trois sources thermales se déversaient en cascades au cœur d’une végétation luxuriante. Elles alimentaient les moulins à sucre aux majestueuses roues à aubes de la propriété des Carmes lesquels exploitaient la Savane Dolé et le Dos-d’âne. Ils avaient échangées ces propriétés au Sieur Beausoleil de Vermont le 10 juin 1767, contre leur Habitation Bellevue de Marie-Galante.
Le 2 novembre 1789, les biens des religieux passent au Domaine. Le 17 août 1825, devenus Propriété de la Colonie, ils sont morcelés et vendus aux enchères. Fin 1840, les baigneurs y louent de petites cases et en 1857, seuls les militaires et les fonctionnaires peuvent accéder aux bassins.
LES BAINS
Le 15 février 1877, un arrêté du Conseil Général déclare la gratuité du bassin de Public, celui de Capès payant, sauf si les malades présentent un certificat médical et le bassin de la Digue payant. On vient y soulager ses rhumatismes et son arthrose dans un air vivifiant, à l’abri d’une végétation de bambous, manguiers, fougères arborescentes et philodendrons.
UN MÉDECIN VISIONNAIRE
En 1913, André Joseph Pichon, natif de Niort, est nommé Médecin Major des Troupes Coloniales et responsable du service de Santé de la Guadeloupe, où il crée en 1915, la société La Guadeloupéenne, afin de mieux faire connaitre l’île et développer en chacun le goût de la nature, de l’hygiène et du sport.
LA SOCIÉTÉ FERMIÈRE
Le 30 janvier 1917, elle signe un bail pour l’Etablissement Domanial de Dolé et le 24 avril 1920, débute la construction de l’hôtel Pichon, dans un lieu de villégiature paisible et recherché avec vue sur les iles des Saintes et de la Dominique.
L’HÔTEL PICHON
De style créole avec une façade en bardeau de bois, il est bordé d’une haie d’hibiscus d’où s’élancent des palmiers. Il jouxte la route Coloniale empruntée par les transports en commun de l’époque : les Bombes et Chars.
Au sous-sol, dans une remise aux fenêtres cintrées soulignées de barreaux, un mécanicien entretient les rares automobiles Chandler ou Cleveland des clients de l’hôtel. Des balustrades soulignent l’escalier et le rez-de-chaussée, agencé de coins repos.
Un panneau ouvragé surmonte l’entrée de la réception prolongée d’une avancée, à l’ombre d’une galerie ornée de frises. Le salon au plancher recouvert d’un tapis, est agencé de tables, de fauteuils en rotin et d’un piano droit.
A l’étage, les hautes fenêtres des chambres sont encadrées de volets bloqués par des barres. Sur le toit des combles, l’enseigne « Dolé-les-Bains-Hôtel », repose entre deux chiens assis. La pension complète d’un mois coûte 390 francs et l’hôtel sert aussi de point de départ aux randonneurs passionnés de botanique ou de faune, lesquels de retour d’excursions se réjouissent à l’idée de reprendre des forces, au restaurant très réputé.
LES BASSINS
Une fois changé en cabine, on accède au double bassin de la Digue par des marches taillées dans le basalte. Dans le premier se baignent les Dames en chapeaux et robes de bains, le second bassin est réservé aux Messieurs. Avec le temps, sans loger à l’hôtel, on peut acheter auprès du gardien, un ticket afin de passer la journée aux bains, dont l’activité cesse vers 1960.
DE NOS JOURS
La Digue est recouvert de végétation, Capès et le Bassin des Amours qui forme un cœur sont en contrebas de la route départementale, Public s’orne d’une roue à aubes.
Bien que l’hôtel n’ait pas résisté aux épreuves du temps, le Docteur Pichon, qui périt le 16 janvier 1923, au large de la Désirade, repose dans les anciens jardins de ce lieu qui fut si cher à son cœur.
Texte & Photos : Angel Saint Benoit