Dans l’essence de la Martinique bat évidemment la mer, ses confrontations et ses enjeux. Partenaire capricieuse, elle est depuis toujours le lien vital, celui par qui s’est construite l’histoire moderne et intense de l’île. Désormais, et plus que jamais, c’est le maritime qui pourvoit au terrestre.
Et dans cette frénétique nécessité, c’est Fort-de-France qui, gloutonne, avale l’essentiel des échanges et activités.
De l’industrie du transport…
Parmi les plus vieux témoins des ambitions maritimes de Foyal, Le fort Saint-Louis, hôte immuable des pavillons militaires de la République. Féroce défenseur de sa baie, il constitue, pour le gouverneur Blénac, un outil important de pérennisation de sa nouvelle capitale monarchique. Pourtant, Fort-de-France n’est pas toujours le centre de la vie maritime de l’île. Avant sa brutale chute, Saint-Pierre se démarque par sa baie grouillante de mouvements et s’accapare les échanges de la Martinique. Une explosion volcanique et la ville ne gardera guère plus que ses fantômes, dont les carcasses se découvrent toujours en fond de baie.
Dès la moitié du XIXe siècle d’ailleurs, le profil de la baie de Fort-de-France se réorganise et entame une constante mutation. Le bassin de Radoub, est le marqueur discret des ambitions mexicaines d’un Napoléon conquérant et se met en eaux en 1868, avant de s’étendre en 1951. Fleuron de ce tissu industriel maritime, il est reconnu dans la Caraïbe pour ses dimensions et prestations, capable d’avaler des navires jusqu’à 20 000 tonneaux.
En 1953, la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Martinique reçoit délégation pour organiser la concession portuaire de la ville. Les vraquiers s’engouffrent dans la baie des Tourelles, dont l’hydrobase, créée cette décennie, reste le clin d’oeil des majestueux hydravions des premières liaisons aériennes transatlantique vers l’île. Le commerce ne cesse de grossir, et les installations se noient sous le flot des conteneurs et navires de croisières.
Pensé dès les années 1980’, le quai de la Pointe des Grives doit y remédier : près de 2 km d’infrastructures mouillées, trois grues mobiles, une vaste aire de déchargement d’une capacité de 150 000 conteneurs, le ton est donné. Le Grand Port Maritime de la Martinique (GPMM), adoubé dans sa forme actuelle en 2013, entend compter à l’international, malgré son isolement quant aux grandes routes maritimes. Et, à la confluence des activités, la nouvelle gare maritime inaugurée en 2010, anime les liaisons quotidiennes vers la Dominique, Sainte-Lucie ou la Guadeloupe et met à portée tout le centre de Foyal.
… au tourisme flottant
En parallèle, l’aventure nautique reste un gène de l’île, et les marinas habillent depuis force de temps les rades, baies et renfoncements protégés. Au sud, l’impressionnante installation du Marin se veut le pied terrestre. Centre de carénage, service spécialisé pour l’entretien, le voyage, la pêche, la commune s’impose comme un port de plaisance majeur des petites Antilles, du haut de ses centaines de postes et de mouillages. À l’Étang Z’Abricots, les loisirs de la mer réintègrent le grand Fort-de-France et marque les ambitions du GPMM. D’autres, plus modestes, continuent d’accueillir les marins pêcheurs. Partout sur l’île, les bourgs de pêche se dotent de tourelles métalliques, essentielles pourvoyeuses de glaces pour les yoles.
L’appontement de la Pointe Simon, imaginé pour mettre le centre à portée de croisiériste, accueille depuis 1992 les plus grands paquebots de croisière du bassin. Après plusieurs années de disette touristique, la Martinique continue de se réaffirmer comme attraction d’ampleur pour les armateurs. La fureur cyclonique abattue sur le Nord de l’arc antillais place d’ailleurs la Martinique face à son défi touristique : pérenniser le passage exceptionnel de plus de 600 000 passagers sur la prochaine saison et construire les circuits adaptés à ces visiteurs dispersés et pressés.
Texte : CORINNE DAUNAR
Crédit photos : Fondation Clément – L.Hayot – Brigitte Bertrand