Le costume créole cache entre ses plis de très vieilles et populaires coutumes, dont les us n’ont cessé de perdurer. Fait le plus marquant sans doute, sans qu’il ne soit plus un étonnement dans la culture créole moderne, ces habitudes vestimentaires sont le fruit d’un savant mélange des genres, traversant les époques et s’enrichissant chaque fois d’un environnement bouillonnant.
Dès les premiers frémissements de la colonisation française, les Antilles s’ouvrent aux influences d’une mode qui se globalise déjà : l’indienne, toile de coton politisée et démocratisée dans le courant du XVIIe siècle atteint bientôt les côtes des îles françaises et investissent les gardes robes, des vêtements de maisons aux chemises légères et confortables du quotidien.
L’influence-monde
Les pièces les plus représentatives, les robes Gaules ou à la Créole, deviennent les emblèmes des Antilles, portées en intérieur. Ces différentes coupes confrontent élégamment l’apparat européen et son florilège de dentelles, de soies et de brocarts aux nécessités du temps : le coton s’impose comme le maitre tissu et les influences déjà puissantes des étoffes colorées d’Afrique achèvent de donner corps à ces modes nouvelles et confluentes. Dans les classes populaires du XIXe siècle, c’est la Douillette qui domine véritablement comme tenue de tous les jours.
Tunique à l’anglaise ajourée, elle est portée par toutes, qui l’adaptent aux labeurs du quotidien : porteuses, blanchisseuses, poissonnières, marchandes et pacotilleuses la retroussent à la « rivière salée », au moyen d’un foulard ou madras utlilisé en ceinture, dont les variantes en motifs et styles ne dépendent que de l’inspiration du moment.
La peinture d’une société
À l’analyse, le costume créole devient une résultante d’une société de l’apparence, qui marque l’ensemble de ses strates, d’esclaves arrivés nus à la reconquête d’une existence sociale aux colons soucieux d’exhiber fortune et opulence. Et au coeur de ces dynamiques, l’avènement d’une caste de gens de couleur libre, l’influence de mulâtresses séductrices complexifient encore cette tenue et sanctifie les mélanges de codes et de genres.
D’ailleurs, son emblématique témoin reste l’indémodable Gran’Robe, portée à la ville autant que pour les agapes: son ajustement et sa valeur dépendront alors du motif de sa sortie et elle s’égaie de nombreuses parures, de corsages de dentelle et de foulards aux imprimés madras, aux reins et dans la coiffe. Parfois, les cérémonies reçoivent des jupons doubles surmontés de corsets ouvragés, dans un constant effort de surenchère et d’ostentation. C’est sur cette base qu’évoluera l’habillement, enrichi à mesure des moyens et des évènements politiques.
Et dans cette revue aux multiples entrées, il serait indélicat d’omettre le rôle des bijoux et des coiffes dans la transmutation et l’affirmation du costume créole. Le bijou, accessoire final de la tenue, dévoile autant sur son porteur qu’il achève la toilette: les Das, les Matadors, les Favorites s’en parent presqu’au quotidien, tandis que l’extraordinaire d’un mariage ou d’un baptême en révèle l’existence chez les femmes du peuple.
La coiffe aussi raconte, et s’étoffe : elle indique les coeurs à prendre, éclaire sur les années de vie. Chaudières ou calendées, elles deviennent même outil de travail, lorsqu’une toshe, tissu enroulé sur lui-même, s’y pose pour faciliter le transport de charges sur la tête.
Et que dire des patrons pensés pour hommes, garçonnets et fillettes ? Dans ces traditions vestimentaires qui tracent des voies infinies, le mélange des cultures est à l’oeuvre. Et si l’usage le veut aujourd’hui quelque peu désuet, et ce malgré d’intenses et ingénieuses campagnes de réhabilitation, le costume créole reste l’un des jalons les plus essentiels de notre identité.
Texte : CORINNE DAUNAR
Crédits photos Fondation Clément, collection L.Hayot
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