La Guadeloupe au début de la colonisation compte peu de femmes : des Caraïbes, quelques compagnes de colons, des veuves qui ne le restent pas longtemps si elles ne sont point trop laides, pauvres ou âgées. La Compagnie des Indes va faire venir de France des orphelines, afin de créer en nos îles de solides foyers.
LEUR BIENFAITRICE
Le 3 mai 1639, Marie Delpech de l’Estang, fonde à la Paroisse Ste Eulaye de Bordeaux, la « Communauté Séculière de la Société de St Joseph, pour le Gouvernement des filles orphelines » avec le soutien d’Anne d’Autriche et de Saint-Vincent de Paul qui obtient du Roi, de l’Archevêque de Paris, du Pape Innocent X, l’approbation de l’Institution.
Les religieuses, « Filles de la Trinité Créée » portent une médaille d’argent en bas de leur guimpe et de chaque côté, l’image de St Joseph tenant par la main l’Enfant Jésus ou celle de la Vierge, l’Enfant Jésus dans les bras.
LES ORPHELINES
Recueillies de 8 à 16 ans, elles viennent de familles pauvres ou nobles, pieuses et respectables. La Congrégation engendre des filiales, dont celle de Paris, ouverte le 11 février 1639, rue du Vieux Colombier. Hébergeant 3 orphelines… elles sont 120, un an plus tard.
Le 19 juin 1641, elle s’établit rue St Dominique, dans le Couvent la Divine Providence, dirigé par Benoit Brachet, Prieur de St Germain-des- Prés. Il qreçoit le 28 juin 1642, des Statuts de l’Archevêque de Paris.
En 1645, plus de 200 orphelines y apprennent à lire, écrire, coudre, tricoter et broder.
LÉONORE DE LA FAYOLLE
Membre de la congrégation, elle reçoit la somme de 200 livres, pour convoyer des orphelines. Plusieurs départs ont lieu : 8 en 1642, 14 en 1643 et 16 en 1644…
LE 15 MAI 1643
Le navire du Capitaine Boudart s’éloigne de Dieppe, les jeunes filles sur le pont sont partagées entre la peur de l’inconnu et l’espoir d’une vie meilleure en ces contrées où dit-on les fleurs sont merveilleuses et les fruits succulents. Dans leurs maigres bagages, sont glissées des aiguilles à broder, dont l’Art délicat est de nos jours perpétué par les dentellières de Vieux Fort.
ARRIVÉE A BASSE-TERRE
Le bateau en vue, le Gouverneur *« Mr Houël envoya le Sieur de Marivet, Lieutenant Civil et Criminel, chercher Madame de La Fayolle pour la lui amener. Munie de lettres de la Reine et de dames de qualité, il la traita avec respect comme si elle était une Princesse »*. Le Lieutenant Général Aubert, la loge avec ses protégées dans sa belle maison à étage de Rivière-Sens. Son épouse veuve Duplessis, n’est guère ravie de voir débouler en son logis, cette envolée de jupons et de cœurs à prendre, le temps qu’on édifie une case près de chez le Gouverneur, dans laquelle tout ce beau monde emménage le 12 octobre.
Dès lors le sentier y menant est emprunté par des prétendants portant perruques ajustées et souliers à boucles, allant présenter leurs hommages à l’influente Dame en vue d’obtenir son accord à de futures unions.
La situation qui chamboule l’ordre établi ne fait pas que des heureux, tels le Père Du Tertre, des prétendants éconduits, quelques épouses tremblant pour l’harmonie de leurs foyers.
UNE SÉRIE D’EMPRISONNEMENTS
Le boulanger Mathurin Hédouin est promu Maitre d’Hôtel du Gouverneur, puis son Intendant et enfin son Procureur Fiscal, tandis que le Sieur de Marivet est nommé Gouverneur intérimaire.
Hédouin, fait emprisonner une dame Robert car elle a insulté en public son amie Léonore. Au bout de trois semaines, les femmes de Basse-Terre la font libérer grâce à Monsieur de Marivet. De rage, Hédouin le fait arrêter et de Marivet passe huit mois enchainé dans un cachot, tel un brigand…
Sources : Père Du Tertre, Auguste Lacour
Texte : Angel St Benoit