Texte : Olivier Gripacus
Illustration : LifeisDzign
Qu’est-ce que ça fait du bien d’être là. Je n’ai besoin de rien d’autre. Sentir le vent caresser mon chapeau de tôle et les herbes chatouiller mes portes de bois, me rend heureuse. Vous savez, j’ai même deux moments préférés. Au petit matin, lorsque le soleil envoie ses rayons, juste comme il le faut pour réchauffer ma coiffe sans brûler mes tôles et ma robe de bois. Et puis, il y a aussi ce moment ou les « sucriers », les papillons et les reinettes entament leur spectacle. Entre chant et danse, je suis aux premières loges. Vivre à la campagne “sa bon mènm”, comme dirait mon propriétaire. Je comprends mieux pourquoi il tenait tant à s’échapper de la ville. Oh la ville! Je me souviens de ma vie là-bas. Ce n’était pas toujours facile pour nous autres cases créoles. Il y avait dans mon quartier un gros colosse. Il semait la terreur parmi nous. “Apa ti pè nou té pè missié”. Nous avions toutes peur de lui surtout quand il ouvrait sa “gueule”. Un jour j’ai même cru que ma robe de bois allait s’envoler de mon carré de sol, tellement il était proche de moi. Les autres cases créoles l’appelaient “missié bildozè”. Ici il n’y a rien à dire ; au pied de la grande dame la vie est vraiment paisible. Si mes consoeurs cases créoles pouvaient vivre ça, je suis sûre que comme moi…. Wayyy ! “kay pasé” ? Quelle est cette sensation ? Ce n’est pas normal. Ma robe de bois, mon chapeau de tôle, toute mon ossature n’arrêtent pas de trembler. Je ne comprends pas ! Et puis hum hum “ola vyé lòdè la-sa sòti” ? D’où vient cette odeur nauséabonde ? Et cette fumée épaisse ? J’étouffe de chaleur ! Mon dieu, mais où est mon propriétaire ? Où sont les animaux ? Où sont-ils tous passés ? “An tou sèl” ? Ils m’ont abandonnée! “Woooyyy ki dézòd ésa” ? “Boom” ! “Blooo” ! Attendez, je veux au moins vous dire mon nom ! Je suis Man Fifi de kazkamo petite “kazkreyol” au pied de la Soufrièèèèèèère !..
* Nouvelle rédigée avant les événements de Saint-Vincent. Nous sommes de tout coeur avec l’île soeur.