Son Style est original et audacieux, ses images fouillées et chargées de symboles, ses techniques contemporaines. Sa peinture nous entraine dans un monde d’émotions et tout en profondeur, dans lequel rien n’a plus d’importance que la couleur et la beauté des lignes. Patricia Donatien, artiste peintre caribéenne, offre un art réfléchi qui se décline en une exposition personnelle tous les deux à trois ans.
Une salade de fruits, des œufs brouillés, un café, Patricia sort du sport, elle à faim. Elle croque dans la vie comme dans un gros fruit mûr : lorsqu’elle n’est pas à créer, cette femme bouillonnante d’énergie exerce en tant que maître de conférences à l’université des Antilles Guyane. Et c’est en nourrissant l’un par l’autre qu’elle nous offre depuis bientôt 25 ans un univers dans lequel elle nous entraine, « un monde de mises en scène où le rire côtoie sans heurt le drame, la tristesse, la trivialité, dans une touche sublimée par la violence des masses sombres. »
Car c’est en passant naturellement de l’huile à l’acrylique, par des techniques photographiques ou scéniques complexes que l’artiste explore depuis un quart de siècle des thèmes aussi différents que riches dans lesquels les rouges, les verts ou son bleu légendaire se transcendent. Retour au pays natal en 1989, contes et rituels d’un monde nouveau en 1990, Drive un an plus tard ne sont que les premières expositions d’une longue série, fruit d’une réflexion sur l’histoire, l’identité ou l’image de soi élaborée tout au long d’une vie.
UNE HISTOIRE DE FAMILLE
Tout commence bien avant elle, avec Adi, Julie ou Annie, une histoire faite des prénoms de ses aïeules, ferments d’une longue lignée de femmes au caractère bien forgé. Mais ce sont ses parents, clef de voûte de son épanouissement, qui lui permettent de trouver la voie. Cadeau de la nature inattendue, la petite dernière d’une grande fratrie de neuf enfants adulée jouit d’une éducation généreuse. C’est ainsi qu’elle s’inscrit à l’âge de 17 ans au SERMAC (service municipal d’action culturel instigué par Aimé Césaire où elle suit assidument des cours de danse, de poterie, de sculpture et de peinture sous l’œil attentif de son mentor, l’artiste René Louise.
Dans ce chaudron culturel Patricia côtoie les plus grands créateurs, musiciens, dramaturges, écrivains et peintres caribéens et noirs américains. Après un séjour à Paris où elle use ses jeans sur les bancs de la Sorbonne et aux ateliers des beaux arts elle revient au pays et entame toute une série d’expositions individuelles de Cuba à Trinidad, de l’Allemagne au Sénégal dans lesquelles elle affirme un style contemporain et engagé qui ne la quittera plus.
Sa double casquette de Maitre de Conférences et celle de plasticienne lui confère une approche duale de la création. Une première inspiration critique dans laquelle elle met en place des outils de compréhension de l’esthétique caribéenne, une autre dans laquelle elle débride son génie créateur. Son œuvre picturale ne craint pas la puissance des couleurs, fuit la médiocrité, les répétitions et les clichés : en témoigne sa dernière exposition Julie, Annie et Moi à la ville Chanteclerc à Fort-de-France en Novembre 2015.
Après « Soul Amère » qui deux années plus tôt proposait « une exploration du rapport existant entre les Caribéens et la mer à travers l’histoire de la colonisation à la mondialisation », Patricia Donatien explique qu’elle revient avec un travail plus intimiste. « Cette exposition est ainsi une évocation des liens que tissent les femmes d’une même famille; lien physique, de naissance en naissance et de génération en génération, mais aussi lien symbolique et spirituel qui relie psychiquement et culturellement les femmes d’un même pays. » À travers le souvenir de ses grands-mères Adi et Julie, mais aussi de sa mère Annie, Patricia Donatien traverse et fait résonner la parole des femmes, des voix silencieuses par le passé et porteuses d’intériorité, de frustrations, de souffrances, mais aussi de joies et de sensualité, des voix qui aujourd’hui se font entendre. Poursuit-elle enfin. Son art dépasse volontiers le discours et rassemble au-delà même de l’espace-temps, dans une générosité et une constance qu’elle semble parfaitement maitriser.
Texte : Corinne Daunar
Patricia Donatien en 5 artistes caribéens :
– René Louise est née à Fort-de-France en 1949. Définit comme un chercheur, un peintre, un sculpteur et un scénographe.
– Leroy Clarke l’artiste poète, conférencier et philosophe trinidadien.
– Michel Rovelas l’illustrateur guadeloupéen, mais aussi et surtout peintre sculpteur.
– Barbara Prezeau, la belle haïtienne, artiste, historienne d’art, commissaire d’exposition Née en 1965, à Port-au- Prince, travaillant et vivant entre Haïti et Perpignan
– Albert Chong le photographe jamaïcain vivant et travaillant à Boulder, CO, USA