En 1725, la Guadeloupe fait face à une épidémie de lèpre, ce qui entraine la mise à l’écart de ceux qui en portent les stigmates. L’inquiétude de la population est telle qu’elle fait parvenir une pétition au Gouverneur de Moyencourt, dans laquelle la population menace de quitter l’île si rien n’est fait pour la prémunir de ce fléau. Le 16 octobre, le Roi donne son accord pour que soit installé à la Désirade, un camp réservé aux malades.
L’EXIL
Le 31 mars 1726, les députés font lever une taxe de vingt sous par esclaves actifs, afin de couvrir les frais d’un recensement des lépreux de la Colonie. Toute personne tentant de se dérober à l’inspection, prend le risque d’être fusillée, « 22 blancs, 6 mulâtres, 97 noirs » portent les symptômes de la maladie.
UN CODE DES LÉPREUX
Le Gouverneur Général des Isles sous le Vent, le Marquis Jacques Charles Bochard de Champigny et l’intendant Charles François Blondel de Jouvancourt signent un Code des Lépreux, exécuté par l’Ordonnance du 27 mai 1728. Il y est stipulé que chaque malade blanc peut être accompagné de deux esclaves sains. Comme le voyage en mer depuis Pointe-à-Pitre jusqu’à la Désirade dure trente six heures, on fait embarquer les malades depuis Saint-François pour rejoindre à la Désirade, Baie Mahault, leur lieu de relégation.
UN TRISTE SORT
On leur octroie un terrain prélevé sur le Domaine Royal, pourvu d’une source à l’ombre de gaïacs, où sont bâties de modestes cases en palmes. On leur remet une provision de nourriture pour six mois, un peu de bétail et des outils. Une haie d’agaves Karatto délimite les lieux, qu’ils ne peuvent quitter sous peine de sanctions.
Un prêtre vient à Pâques, administrer les sacrements de l’église aux îliens livrés à eux-mêmes le reste du temps. En 1749, la lèpre fait un retour en force en Guadeloupe. Suite à l’Ordonnance du 10 Novembre 1786, des malades de la Martinique et de Sainte-Lucie rejoignent la léproserie.
En 1788, Victor Hugues (qui décèdera de la lèpre à Cayenne le 12 août 1826), envoie une douzaine de soldats veiller sur la léproserie, où seize malades vivent misérablement. En 1795, quatre vingt quinze hanséniens rejoignent les lieux. Victor Hugues fait construire des bâtiments en dur qui sont détruits en 1808 par les Anglais lorsqu’ils s’emparent de l’île. Ces bâtiments sont réhabilités en 1811, avec un médecin à demeure. La Guadeloupe doit faire parvenir régulièrement des vivres, à la population de l’île et à la léproserie.
LES SOEURS DE SAINT-PAUL DE CHARTRES
Neuf Sœurs de la Charité rejoignent la Guadeloupe en 1820, puis la Désirade en 1858, pour y instruire les enfants et prendre soin des cent vingt malades. En mai 1923, le père Henri Maurice, médecin missionnaire débarque à la Désirade.
Le 9 janvier 1933, c’est au Médecin Militaire Grizaud qu’incombe la tâche de visiter les soixante dix malades depuis la Guadeloupe, en effectuant le trajet à bord de la vedette de la Douane. En 1956, les patients sont envoyés à l’Hôpital Beauperthuy de Pointe-Noire et la léproserie est désaffectée.
De nos jours il ne reste plus grand-chose des bâtiments, excepté la chapelle aux pierres apparentes et son autel. Non loin de là, dans le cimetière colonisé par les agaves et les lys, au-delà des croix brisées et des sépultures abandonnées, le paysage sauvage abrupt et magnifique, la mer changeante, demeurent les témoins muets des souffrances, du courage et de l’abnégation de ceux qui vécurent exilés en ces lieux.
Texte & Photos : Angel Saint-Benoit