S’il est de nombreux hommes de sciences majeurs à la Martinique, c’est bien le Père Pinchon qui aura profondément marqué l’histoire du naturalisme sur l’île. Et désormais, c’est dans le musée éponyme que se retrace son épopée : toute une vie de recherche s’offre à la curiosité des biologistes en herbe. La Villa Cham accueille, à la douceur des hauts de Foyal, la collection hors-norme amassée par le prêtre précurseur.
Au coeur de la rencontre entre le père Robert Pinchon et la Martinique, une vocation, celle d’intégrer la congrégation des Pères Spiritains. C’est en tant qu’enseignant au collège diocésain de Fort-de-France, que le prêtre, docteur en sciences et en ornithologie, s’installe pour une vie en Martinique.
Une vocation, celle d’un Père naturaliste
Il y approfondit avec joie ses connaissances, et part à la découverte d’une biologie débordante. Béret vissé, pipe au coin de la barbe et le filet à l’épaule, il aura aussi formé des hordes de jeunes aux secrets de l’investigation naturaliste, inlassable sur le terrain, les pieds dans le sable ou la tête dans les cimes tropicales. Et puis, le père Pinchon écrit. Il relate la Martinique à travers sa faune et sa flore, la publie, la fait vivre et connaître bien au-delà de ses latitudes.
C’est d’ailleurs cette intense érudition qui lui permet de donner vie à ce cabinet de curiosité et d’interpréter scientifiquement ses trouvailles et ses collectes.
L’ampleur de son apport pour la connaissance de la biodiversité de la Martinique
Au coeur de son immense collection, un joyeux mélange de trouvailles : une vaste bibliothèque naturaliste et de nombreuses espèces insectes ou animales. Il faut dire que le Père Pinchon est un ornithologue convaincu et passionné : sa thèse, d’ailleurs en portera les marques. Mais il n’y limite pas l’ampleur de ses travaux et de sa collection. Des centaines de boites, de bocaux, de caisses renferment des trésors d’espèces : des milliers de spécimens d’insectes, des dizaines d’oiseaux, des centaines de serpents, amphibiens, poissons, alimentent une base de données et d’objet immense, constituée de milliers d’heures de captures et d’observation de l’environnement.
Plus qu’un biologiste, le Père Pinchon est surtout un scientifique curieux. Il étoffera sa collection d’une remarquable sélection d’objets archéologiques amérindiens, comme autant d’éclairages de l’histoire pionnière de l’île. il est parmi les premiers à proposer la thèse d’une occupation multiple de l’île, et participe même à l’organisation du premier colloque caribéen d’archéologie.
Un engagement en musée
Naturellement propriété de la Congrégation des Frères Spiritains, la collection est léguée en 1994 au Conseil Général de la Martinique, qui s’attelle à sa conservation et réfléchit longuement à sa mise en valeur. Plusieurs missions d’inventaires pour archiver, entretenir et enregistrer la collection plus tard, et voilà le projet de mise en valeur de ce patrimoine exceptionnel. Cette collection foisonnante a permis de recréer, à partir de plus de 10 000 pièces, un cabinet de curiosité ludique, au coeur de la scénographie du nouveau Musée du Père Pinchon. Il s’est installé sur le site de la Villa Cham, qui anime depuis une force de siècle l’élégante route de Didier. Savamment dressé au coeur du domaine, le nouveau complexe est pensé avec ouverture. Il ne sera pas qu’un hommage à un grand scientifique, il sera aussi un centre vivant, dynamique, porteur de l’ambition de la Martinique en termes de recherche et de travaux sur la biodiversité. Il porte aussi la volonté du territoire de valoriser cette richesse naturelle unique : initiation, vulgarisation, enseignement, le musée vise un public large, pour devenir un véritable centre d’interprétation et de compréhension de la biodiversité de l’île. Pour que vive, avec lui, la formidable passion du Père Pinchon pour une île d’exception.
Texte : Corinne Daunar – Photos : © DR