Texte : Olivier Gripacus
Illustration : LifeisDzign
La route fût longue mais enfin nous sommes arrivés à Pointe-à-Pitre. “Bondyé mèsi”! Parce que, entre les mornes et les nids de poule, j’ai bien cru perdre mon chapeau de tôle rouillée.
– « Bonjour ! Je suis Man Ava de kazkamo. Mon propriétaire m’a surnommée ainsi un soir après une longue partie de dominos avec ses “zanmis” » «
-Zòt pa’a touvé ti kaz la ka sanm on « A » ? Elle ressemble à la lettre « A » n’est-ce pas ? » leur dit-il après avoir presque cassé la table en frappant le domino en criant “doub six” ! Je suis toute en simplicité mais je fais ce qu’il y a de mieux depuis plus de 20 ans : mettre un toit sur la tête de mon propriétaire. Et puis j’en ai vu des choses : tremblements de terre, cyclones, et même l’éruption de la Soufrière. Pourtant je suis encore bien debout. Les vieilles cases créoles comme moi nous sommes réputées pour être solides. C’est un plaisir de pouvoir vous parler aujourd’hui.
– « Attendez…! Ah ah, mè zòt byen brital ! Vous pouvez faire ça avec plus de douceur quand même messieurs ? Mon ossature de bois n’est pas toute jeune, donc “véyé zòt” !!! Attention à ma robe de planches ! Voilà, c’est beaucoup mieux ainsi. Alors où en étions-nous ? “An ja ka pèd la kat”! Je perds la mémoire !”
Oui mon histoire de “kaz bwazé”. C’est comme cela que les autres cases, surnomment les nouvelles arrivantes comme moi. Simplement parce que nous venons de la campagne. Moi-même, “Tchippp” ! Je ne m’occupe pas d’elles. Déjà que la plupart d’entre elles vivaient dans les bois, elles sont toutes arrivées en “kabwèt a bèf” “zot ka oubliyé ?” Eh bien moi, même avec très peu d’argent mon propriétaire a préféré me transporter en camionnette, s’il vous plaît ! Ça me donne envie de sonner les tôles. Alors Mesdames “zòt paka fè jé ankò” ! On ne rigole plus de moi maintenant ! Je suis une “kaz bwazé” fière et heureuse. Vous vous imaginez, mon propriétaire m’abandonner et me laisser pourrir auprès d’Évolution son gros boeuf, “Jamais voir ça” !
Il est vrai que le paysage n’est plus le même, loin de mon gros manguier et de la douceur de la campagne. Maintenant, à la place, j’ai ces deux grands gaillards de béton, haut comme des “pyé kénèt”.
-“Ka sa yé ankò ? Zòt poko finn soukwé mwen ? Mété mwen atè !”
Vous n’avez pas fini de me bousculer ? Déposez-moi qu’on en finisse !
En tout cas je suis heureuse parce que moi, Man Ava, petite case créole de la campagne, je vais vivre de nouvelles aventures en ville.